Édouard Leclerc parle aux adhérents


 

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Voici la retranscription d'un (long) extrait d'un discours d'Édouard  Leclerc. Nous sommes en avril 1964 à Brest et c'est la seconde fois depuis le congrès de Landerneau que les adhérents sont tous réunis. Ils sont nombreux, les couples d'adhérents, à avoir fait le chemin jusqu'à cette ville de l'extrême Ouest pour écouter Édouard Leclerc, leur chef, celui à qui ils doivent leur réussite. 

Prédicateur, Édouard Leclerc leur expose les principes sur lesquels doivent reposer leur action : ils ne doivent pas perdre de vue qu'ils sont avant tout au service du consommateur et cela, ils ne doivent l'oublier à aucun prix. Le style et le ton employés frappent le lecteur contemporain, en particulier les accents moralisateurs dans lesquels on décèle sans peine l'influence catholique.

Édouard Leclerc les a surtout réunis pour leur annoncer la naissance de l'Acdlec, Association des centres E. Leclerc, qui a pour objet de "resserrer les liens entre les personnes qui se sont données pour but d'assurer la réforme du commerce par l'extension de la Distribution selon les principes préconisés par Monsieur Édouard Leclerc." (« exposé des motifs », règlement intérieur de l'Acdlec). Il annonce aussi la création des premières centrales régionales d'achat : les premières verront effectivement le jour dès 1964. L'objectif est également de les convaincre d'agrandir leur boutique, de passer à des magasins de plus de 1000 m2, objectif délicat dans la mesure où il avait originellement défendu les petites surfaces...

Bonne lecture !

    «  Nous voici réunis pour notre deuxième congrès national qui sera d’une importance capitale pour votre avenir. De très importantes décisions seront prises aujourd’hui, vous en serez informés et vous les adopterez. Ces décisions marqueront l’orientation définitive de notre mouvement. Je vais peut-être vous parler durement, certains m’en voudront de parler aussi franchement, un jour ils me remercieront.

    Au premier congrès, déjà, je savais qu’une petite scission aurait lieu, depuis, les événements m’ont donné raison. Il faut tous que vous sachiez que je n’attends rien de vous, si ce n’est que votre amitié. La distribution n’est pas à votre service, elle n’est pas là pour vous enrichir, elle existe d’abord pour servir les consommateurs, il vous appartient à vous d’y faire cadrer vos intérêts. Si certains ne s’en tirent pas, il ne leur appartient pas d’augmenter les prix de la distribution, mais diminuer les coûts de leur propre gestion ou service pour arriver à la rentabilité. Que vous le vouliez ou non, la distribution, c’est la socialisation du commerce – je ne veux pas dire pour cela, nationalisation – on a tort de confondre très souvent socialisation et nationalisation. Ces deux expressions n’ont rien de commun. En transformant le commerce en distribution, vous remplacez la spéculation par un service rémunéré, c’est-à-dire que vous vous mettez au service de l’économique pour faire vivre mieux les hommes – c’est une socialisation honnête, valable.

    Notre comité directeur sera donc intraitable sur ces principes. Les décisions et les disciplines qui vous seront soumises seront les garants de cette philosophie.

    Notre action n’est pas limitée, n’est pas stable, elle doit évoluer en fonction de la demande, en fonction des hommes, des consommateurs. Nous devons, de plus en plus, rechercher la vérité des services, la vérité des prix. Pour cela, nous devons être des mathématiciens et aussi des psychologues. Jamais vous ne cèderez sur vos principes de base, même pour faire plaisir. Il n’appartient pas à la distribution d’alimenter les œuvres de bienfaisance ou autres, cela est terminé. Le plus grand service que vous puissiez rendre aux hommes, c’est leur distribuer des produits de qualité au plus bas prix avec le plus grand sourire.

    Pour cela, il faut prendre les moyens, il faut toujours évoluer, le monde est jeté dans l’espace et avance, nous devons suivre le mouvement, ne le freinez jamais, canalisez-le et vous réussirez dans vos aspirations.

    Dans cinq ans, vos petites boutiques ne seront plus valables, mais si vous, vous êtes valables, vous serez à la tête des super-centres de 1000 à 2000 m2. Vous avez eu la chance de faire votre expérience et d’apprendre dans des magasins miniatures. Aujourd’hui, je viens vous dire, brisez les murs, et faîtes des marchés couverts avec les mêmes principes que je vous ai inculqués. Dans dix ans, il y aura en France 1000 super-centres Leclerc de plus de 1000 m2. Ceux qui n’auront pas suivi le mouvement, nous les délaisserons, nous serons sans pitié.

    Des commissions de contrôles seront créées pour vérifier le dynamisme des uns et des autres, pour voir si nos principes de base sont appliqués. J’ai donné des ordres très stricts, si les marges sont dépassées, si des fautes graves sont relevées, les panonceaux seront enlevés sans appel. Ils seront remis à des gens plus valables.

    Dans l’histoire, les révolutionnaires deviennent des bourgeois, les jeunes des vieux, restez toujours révolutionnaires et toujours jeunes. N’ayez jamais peur de la concurrence, c’est le stimulant nécessaire à la jeunesse. Grande est ma peine lorsque je regarde certaines régions qui n’ont pas évolué, qui n’ont pas su créer autour d’elles d’autres centres Leclerc et qui pleurent lorsqu’à 15 km, il s’en ouvre un. Ce sont des esprits chagrins qui n’ont pas leur place parmi nous. Il y a de la place, beaucoup de place pour tout le monde. Notre méthode ne doit pas être une exclusivité. Dans les grands centres, partagez-vous le travail.ne reprochez jamais aux uns d’être moins cher que vous. Même dans les centres Leclerc, faîtes-vous de la concurrence en essayant de pratiquer les meilleurs prix. Votre contrat avec moi ne fixe que les prix plafonds, essayez toujours de mieux réaliser, sans pour cela critiquer votre voisin qui n’a peut-être pas votre force ou vos dons.

    Bientôt, dans chaque département, des centrales d’achat se monteront avec un animateur, ou si vous partagez les moyens et les risques, elles seront communautaires avec direction unique. Nous ne pouvons nous permettre d’acheter isolément, c’est la plus grande faiblesse de certains d’entre vous. Là encore, il faudrait une discipline sévère et très stricte sous peine de radiation. (…) »

 

Des clés pour comprendre
 

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Edouard Leclerc ouvre son 1er magasin à Landerneau, en Bretagne, avec la volonté de faire baisser les prix pour le consommateur.

Cette aventure humaine est très vite devenue collective formant aujourd'hui une coopérative d'adhérents indépendants, propriétaires de leurs magasins.