E. Leclerc et la parapharmacie, partie 2 (1990- 2014)


 

E. Leclerc et la parapharmacie, par-_2014_- A la une E.Leclerc


 

    Au terme des années 1980, l’enseigne est parvenue à obtenir l’autorisation de vendre des produits cosmétiques et d’hygiène dans ses super- et hypermarchés et a ouvert sa première parapharmacie à Pont de Sèvres (voir E. Leclerc et la parapharmacie, partie 1 (1957- 1989)). Des années 1990 aux années 2010, le Mouvement poursuivra le combat pour commercialiser les produits dits « frontière », puis les médicaments vendus sans ordonnance. Alors que de nouveaux médicaments sont régulièrement dé-remboursés, grevant le budget des ménages, que la durée de vie s’allonge et que le marché de la santé, en plein boum, est l’un des futurs secteurs-clés de l’économie, l’enjeu est considérable.

 

1. La question lancinante des produits "frontière"

    La question de la définition des produits « frontière », non résolue dans la décennie précédente, ne trouve pas de réponse dans les années qui suivent. L’enjeu est de distinguer les produits qui doivent relever strictement du champ des officines de ceux pouvant être vendus en dehors. Parmi les produits qui posent question, figurent notamment la Vitamine C dosée à 1000 mg, l’eau oxygénée, les seringues, les tests de grossesse, les produits pour la digestion, l’éosine aqueuse, les complexes multivitaminés…

 

Une question polémique

Autorité en charge de la concurrence

    En juin 1991, le Conseil de la concurrence - autorité chargée de la concurrence, dotée d’un pouvoir de décision propre depuis 1986 - saisi par la Fédimas (Fédération des entreprises de distribution de magasins à prédominance alimentaire et de services, qui regroupait alors notamment Casino, Suma, et Mammouth), rend un avis favorable sur la commercialisation de la parapharmacie en grandes et moyennes surfaces. En 2005, cette même institution rend un nouvel avis consultatif qui recommande d’élargir aux grandes surfaces la vente d’articles « à la frontière du médicament » (l'alcool à 90°C et à 70°C, les tests de grossesse, les pansements, les vitamines, les produits anti-poux ou les produits d'entretien des lentilles de contact...). En décembre 2013, l’Autorité de la concurrence, qui a succédé au Conseil de la concurrence en 2008, appelle à une ouverture de la concurrence dans le secteur des médicaments et soutient notamment une ouverture encadrée de la distribution au détail des médicaments délivrés sans ordonnance.

    L’autorité en charge de la concurrence est donc plutôt constamment et globalement favorable à une libéralisation du secteur.

 

Ministères et administrations 

    La juridiction européenne, qui avait été un recours déterminant dans le combat sur l’essence, estime que le monopole de vente en faveur des pharmaciens relève de la compétence des États membres (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, mars 1991). Elle n’influera donc pas le débat en France. Dans ce contexte, au sein des gouvernements successifs des années 1990 à 2010, la question des produits "frontière" va être un serpent de mer. L’opposition va se faire surtout entre le ministère de la santé, auquel est rattachée la profession de pharmacien, et les autres ministères ou secrétariats d’Etat impliqués dans le débat. Les ministres en charge de la consommation, seront plutôt favorables à une ouverture du secteur, à l’image de Véronique Neiertz, secrétaire d’Etat à la consommation de 1988 à 1991. De même, le ministère de l’Economie ainsi que son gendarme, la Direction générale de concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) se prononceront pour davantage de concurrence dans ce secteur. Par exemple, Christian Babusiaux, directeur de la DGCCRF de 1985 à 1997, sera plutôt favorable à une liste restrictive des produits devant être considérés comme des médicaments.

 

Des procès à répétition

    Les juridictions demeurent dans l’ensemble hésitantes. Des centres E. Leclerc sont attaqués en justice car ils commercialisent certains de ces produits « frontière ». Le Centre national de l’ordre des pharmaciens (CNOP) les accuse d'exercice illégal de la pharmacie. Michel de Guitarre, l’un des adhérents ayant initié et porté ce combat, se souvient de cette période : « La vitamine C, c’était plus long. Il y a eu beaucoup de procès. On les perdait en première instance… en général, c’est comme ça dans les tribunaux. (…)  Tous les mercredis, j’étais en correctionnelle. Pendant un an, j’ai eu un fichier pour exercice illégal de la parapharmacie. C’était horrible ! … enfin, c’est comme ça ! » (entretien du 24 juillet 2013). Comme pour la décennie précédente, procès et campagnes de publicités - en avril 1991, l’enseigne lance une série de publicités humoristiques, conçues par J. Séguéla et dessinées par G. Wolinski – sont les armes de l’enseigne dans ce combat qui l'oppose au CNOP.

 

2. Le développement des parapharmacies E. Leclerc

    Dès le début des années 1990, Michel-Édouard Leclerc annonce le recrutement de pharmaciens. Or, ne peuvent porter légalement le titre de « pharmacien » que les docteurs en pharmacie à la tête d’une officine. Aussi, les adhérents E. Leclerc recrutent des pharmaciens dans leurs parapharmacies, sans que ces derniers puissent porter ce titre. Par ailleurs, ce n’est qu’en octobre 1995 que le terme « parapharmacie » peut être utilisé en grande surface.

    Malgré ce contexte peu propice, les parapharmacies se multiplient. En juillet 1995, il existe 36 espaces parapharmacie dans les hypermarchés E. Leclerc (contre 5 chez Auchan et 3 chez Carrefour). En octobre 1998, l’enseigne en compte 51, qui réalisent un chiffre annuel de 5,5 à 6 millions de francs. Elle est leader sur le marché.  En 2002, elle dispose de 73 parapharmacies. En juin 2006, elle est toujours leader du secteur avec 22 % de part de marché. M.-E. Leclerc annonce son intention d’exporter le concept en Italie et au Portugal.

    Le 27 août 2014, le Mouvement compte 201 parapharmacies.

3. Vente des médicaments délivrés sans ordonnance (appelés « OTC » pour « Over The Counter » - devant le comptoir)

 

Vendre des OTC en grandes surfaces

En juin 2003, alors que les premières séries de déremboursement de médicaments sont annoncées, l’enseigne commence à réfléchir à la commercialisation dans ses parapharmacies d’OTC.  En Europe, la législation relative à la vente libre des OTC varie en fonction des pays : par exemple, la Grande-Bretagne fait figure de précurseur tandis que l’Italie n’a autorisé qu’en 2007 les grandes surfaces à vendre des médicaments.

    En 2008, alors que le gouvernement français annonce qu’un certain nombre de médicaments sans ordonnance seront désormais en accès libre dans les pharmacies, M.-E. Leclerc annonce dans une publicité que l’enseigne va vendre ces OTC 25 % moins cher. La ministre de la santé, Roselyne Bachelot réagit en dénonçant une publicité mensongère, la législation n’autorisant leurs ventes qu’en pharmacie. Dans la foulée, le tribunal de grande instance de Colmar interdit la publicité de Leclerc. L’enseigne ne réitèrera pas mais consacrera une partie de sa communication à ce combat.

 

Vendre des OTC en ligne

    Avec l’arrêt Doc Morris en 2003, l’instance européenne avait autorisé la vente sur Internet d’OTC,  mais à la condition que la vente en ligne soit une extension virtuelle d’officines de pharmacies régulièrement autorisées à exercer sur leur territoire. A la suite de cet arrêt, l’Allemagne développera la vente en ligne de médicaments. C’est en janvier 2013 que la France autorise à son tour, la vente des OTC sur Internet, vente qui reste cependant  strictement encadrée et limitée. Si l’enseigne, qui ne dispose pas d’officine, ne peut vendre d’OTC en ligne, elle fera cependant de cette décision un argument de plus en faveur de la vente en grande surface. En effet, l’argument consistant à mettre en avant la dimension conseil des pharmacies au nom de la sécurité sanitaire ne vaut plus dans le cas de la vente virtuelle anonyme.

 

    Certes, récemment, on a vu un quelques produits « frontière » autorisés à la vente libre : la loi Hamon a libéré la vente des tests de grossesse  et d’ovulation. Certes, le précédent et l’actuel locataire de Bercy (Arnaud Montebourg puis Emmanuel Macron) ont annoncé  leur projet de s’attaquer aux professions réglementées afin d’assouplir la concurrence pour, notamment, doper les créations de postes dans ces secteurs.  Ce faisant, ils s’inscrivent dans la lignée du rapport pour la libéralisation de la croissance, dit « rapport Attali » (2008). Mais à ce jour, les règles du jeu demeurent inchangées.

Voir les campagnes de communication de l'enseigne sur ce sujet

Voir des extraits vidéo sur ce sujet

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Edouard Leclerc ouvre son 1er magasin à Landerneau, en Bretagne, avec la volonté de faire baisser les prix pour le consommateur.

Cette aventure humaine est très vite devenue collective formant aujourd'hui une coopérative d'adhérents indépendants, propriétaires de leurs magasins.