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La scission de septembre 1969 porte un coup sévère au Mouvement : la très grande majorité des adhérents de la Scaf et de la Scalo, les deux centrales d’approvisionnement les plus dynamiques, suivent Jean-Pierre le Roch. Ensemble, « les dissidents » créent les « Ex Offices de distribution » (futur Intermarché). Cependant, la présence des nombreux centres textile et indépendants assurent une majorité à Édouard Leclerc au sein de la coopérative et les dissidents, minoritaires, sont contraints de la quitter. Les adhérents restés fidèles à Édouard Leclerc conservent certes, la structure juridique de la SC Galec, mais pour le reste, tout est à reconstruire.
Pour lire la partie 1 "la fondation et les premières années" (1962-1968), cliquez ici.
Après un court passage au 11 rue Poissonnière, la SC Galec s’installe en août 1970 au 17 rue Bergère dans le 9ème arrondissement à Paris. Le conseil d’administration est renouvelé : c’est André Schneider, adhérent textile de Rouen, en qui Édouard Leclerc a toute confiance, qui prend la présidence de la SC Galec. Les autres administrateurs sont pour la plupart des indépendants, qui ont au moins 3 ans d’ancienneté dans le Mouvement : J.-C. Knaebel (Tarbes, adhérent depuis 1958), Bercovici (Saint Maur, 1966), Roger Jonchère (Angers, 1965), Cambou (Aurillac, 1965), Lobios (Moissac, 1964), Durrafourg (Lyon, 1965) et Suchet (Fréjus, 1966).
Le départ des adhérents a entraîné une diminution du capital social des trois quarts. Le capital social est donc à reconstituer rapidement, sous peine de dissolution de la société. Un appel spécial à cotisations est donc lancé aux adhérents : en décembre 1971, le capital est augmenté pour atteindre 84 000 francs (contre 200 000 francs au 13 mai 1968) : la SC Galec est tirée d’affaire.
Reconstituer les équipes relève de l’urgence après la scission : sur la petite trentaine d’adhérents impliqués dans les travaux de la SC Galec avant la scission, à peine un tiers sont restés fidèles à Édouard Leclerc. C’est autour d’eux que le travail se réorganise. Mais les bras manquent à la SC Galec. Le président multiplie les appels, exhortant l’ensemble des adhérents à se rendre régulièrement à Paris pour œuvrer pour le collectif. L’organisation en groupes de travail (GT), mise en place en 1968, est reprise par la nouvelle équipe. En 1970, trois salariés (un comptable, une secrétaire et une employée de bureau) assistent les adhérents dans les bureaux parisiens.
Les premiers mois qui suivent la scission de septembre sont difficiles : deux protocoles sont établis à la hâte avec les Ex, qui donneront lieu à des interprétations divergentes entraînant de longues procédures juridiques. La répartition des ristournes pour le dernier semestre de 1969 est, elle aussi, contestée par les deux parties. Il faudra plusieurs années pour régler ces différends. A ces difficultés, s’ajoute la faillite de la Scard, la centrale régionale Rhône Durance, qui entraîne de nouveaux problèmes financiers qui affaiblissent une SC Galec déjà mal en point.
Les adhérents restés sous l’enseigne E. Leclerc ne doivent pas seulement reconstituer la SC Galec mais aussi reconstruire, voire construire, les centrales régionales, pivot de leur activité. Malgré ces nombreuses difficultés, le contexte est très favorable au développement des supermarchés, tout le territoire étant à conquérir et les implantations n’étant, pour l’heure, soumises à aucune autorisation. Aussi, les ouvertures de supermarchés E. Leclerc se multiplient : le numéro de Points de vente de l’été 1971 (juin ou juillet), qui dresse le panorama des centres E. Leclerc moins de deux ans après la scission, souligne l’exceptionnelle vitalité du Mouvement (près de 80 ouvertures en deux ans). Toutes ces ouvertures sont autant de nouveaux adhérents à la SC Galec et augmentent, du même coup, le poids de cette dernière face aux fournisseurs.
André Schneider demeure président du conseil d’administration jusqu’en 1990. Notons que la stabilité au sein du conseil d’administration se limite à la présidence : entre 1970 et 1994, le conseil d’administration de la SC Galec sera renouvelé de moitié, cinq de ses membres quittant le Mouvement pour des enseignes concurrentes. Leurs successeurs sont des hommes plus jeunes et acquis à la philosophie de l’enseigne.
En 1972, André Schneider n’est plus un tout jeune homme – il a 62 ans – et ses compétences se limitent au secteur textile. Très rapidement, Édouard Leclerc confie à deux adhérents la mission de reconstruire et d’animer la SC Galec : André Jaud, l’un des rares adhérents de la Scalo à être resté Leclerc et François-Paul Bordais, à qui Édouard Leclerc a confié la gérance de ses magasins de Brest et de Landerneau. Les deux hommes ont des qualités complémentaires : l’un est réputé pour son pragmatisme et son franc-parler, l’autre pour ses qualités diplomatiques. Ils partagent un esprit d’entreprise marqué, une intelligence hors du commun et une capacité à agir et à décider rapidement. Ensemble, ils vont développer la SC Galec. Le duo fonctionne bien. Aussi, le décès accidentel de F.-P. Bordais en décembre 1986 est un moment difficile pour le Mouvement. Trois postes de directeur général adjoint sont créés. J.-P. Pageau, qui a développé le Mouvement dans l’Est, va occuper l’un d’eux. Il va être le nouveau binôme dirigeant d’A. Jaud.
En 1994, on estime important de renouveler les équipes dirigeantes et de décentraliser le pouvoir : les statuts de la SC Galec sont réformés afin de modifier sa gouvernance : elle devient une société à conseil de surveillance et directoire.
Rapidement, les GT se recréent : GT 1 alimentaire, GT 2 liquides, GT 3 entretien, GT 4 marchandises générales… et se créent : GT 5 frais, GT 6 textile, GT 7 chaussures… Plus tard, au fur et à mesure que les magasins diversifient leur vente dans le non-alimentaire, de nouveaux GT apparaissent : le GT 8 vêtements, le GT 9 carburant, le GT 10 agencement…
Au fil des années 1970, les adhérents, rechignent de moins en moins à venir à Paris et sont de plus en plus nombreux à s’investir dans les GT au niveau national. Ils rejoignent naturellement le même GT que celui dans lequel ils travaillent au niveau de leur centrale. Cependant, si la majorité des adhérents est officiellement impliquée dans les travaux de la SC Galec, le taux d’absentéisme dans les réunions des GT est très important. Le président A. Schneider menace alors d’infliger des sanctions en cas d’absences consécutives, répétées et non-justifiées. Aussi, vers le milieu des années 1980, la présence des adhérents aux réunions nationales se fait plus régulière.
Le siège de la SC Galec est transféré à deux reprises: en 1978, au 149 rue Saint Honoré dans le 1er arrondissement parisien et en 1992, à Issy-les-Moulineaux. Ces transferts visent surtout à accueillir des adhérents de plus en plus nombreux et physiquement présents. En effet, globalement, la croissance de l’activité ne débouche pas sur une hausse drastique des effectifs. La SC Galec ne compte encore que 21 salariés en 1984. Jusqu’au milieu des années 1980, il n’y a pas d’expert métier parmi les effectifs : ce sont les adhérents qui assurent seuls la négociation des accords tarifaires avec les fournisseurs.
La première activité de la SC Galec reste le référencement. Au fil des années, la base de données des fournisseurs est considérablement étoffée : en 1980, 1500 fournisseurs sont déjà référencés à la SC Galec.
Les négociations avec les fournisseurs est aussi l’une des raisons d’être de la SC Galec. Ce sont les adhérents qui négocient les accords avec les fournisseurs.
Lire " conseils pour bien négocier" (1985)
L’activité de la SC Galec se diversifie progressivement dans le champ commercial, avec la création des premières marques de distributeur, que l’on appelle alors « ANM » (pour « à notre marque »), avec le développement des opérations commerciales nationales (par exemple, le lancement de la campagne « nos régions ont du talent » en 1987), ou avec une partie de la négociation de la coopération commerciale (monnayage de la mise en avant dans les rayons, de la présence dans les catalogues etc.).
Les GT ne sont pas tous également attractifs aux yeux des adhérents. Aussi, par exemple, ces derniers ne se bousculent pas aux portes du GT 4, notamment car le référencement du non-alimentaire, essentiel dans ces années de forte croissance des surfaces de vente, constitue, pour eux, un métier complètement nouveau. En effet, ils doivent trouver les fournisseurs, se rendre dans des salons, constituer eux-mêmes les gammes etc…. De plus, contrairement aux produits alimentaires, la marge négociable est très mince pour le « brun-blanc ».
Malgré ces difficultés, entre 1972 et 1994, le GT 4 se développe considérablement, il se structure, se scinde… Le non-alimentaire est en effet un secteur en pleine croissance pour le Mouvement qui ne cesse d’étendre la surface de ses points de vente.
La SC Galec crée aussi des filiales afin de diversifier les activités de l’enseigne. En 1978, la société prend une participation dans les abattoirs de Collinée, ce sera son unique incursion dans l’agro-alimentaire. En 1979, elle crée une filiale, la Siplec (société d’importation du Mouvement E. Leclerc) - qui importe des marchandises générales, notamment des pays émergents et avec laquelle le GT 4 va travailler à partir de 1985 - et en 1988, la banque Giraud.
La SC Galec aide occasionnellement les magasins en difficulté, via leurs centrales de rattachement ou via des Groupements d'intérêt économique (GIE).
Le GT publicité est créé le 22 janvier 1973 et d’emblée une campagne nationale sur les ondes FM est programmée. Il est décidé alors la création d’un budget « publicité » autonome, alimenté par une participation fixe par centre, établie selon la spécialisation des centres (alimentaire, textile, chaussures), à laquelle s’ajoute une participation proportionnelle au chiffre d’affaires. Le budget prévisionnel pour l’année 1987 est constitué par un prélèvement de 0.03 % du chiffre d’affaires avec essence, HT, des magasins. C’est un budget conséquent qui correspond aux premières années des grandes campagnes de communication institutionnelles de l’enseigne. Notons que ce budget ne comprend pas les publicités et les supports commerciaux (prospectus etc…), dont le coût est alors pris en charge par les magasins et les centrales.
L’une des difficultés principales est la circulation de l’information : entre les GT et les centrales, entre les magasins et la SC Galec etc.. Ce problème, qui perdure pendant toute la période, est identifié dès 1970, date à laquelle le GT 7 information est créé. Le procès-verbal qui rapporte la création de ce GT (16 novembre 1970) précise :
« Information : c’est la mission donnée à la SC Galec en décembre 1969 et définie comme devant être une banque d’information. D’une façon générale, les circulaires Acdlec ne sont pas assez complètes et précises. Il serait bon que la date du rendez-vous au cours duquel l’accord a été pris suive le nom de la personne reçue, qu’elle comporte un n° d’ordre, que la date d’effet de ces accords soit mentionnée, que les conditions de paiement soient toujours indiquées, que le nom du responsable qui a reçu le fournisseur, figure sur la fiche cartonnée. Mais pour faire un travail meilleur, donc profitable, la SC Galec a besoin d’être informé. Informé si les accords SC Galec ne sont pas respectés intégralement, si les ristournes sur les factures ne sont pas faites, si les délais de paiement ne sont pas respectés, etc.. »
Parallèlement, dès 1969, des réunions régulières réunissant les équipes dirigeantes de la SC Galec et de l’ACDlec sont mises en place afin d’assurer une bonne circulation de l’information entre les deux entités. Mais ce dispositif ne parvient pas à résoudre un problème qui est plus global et qui se pose à tous les échelons du Mouvement.
Ce défaut de circulation de l’information est un problème récurrent tout au long de la période.
Un autre problème complique le travail de la SC Galec : l’absence de discipline collective d’achat des adhérents. Dans une réunion SC Galec/Acdlec du 22 septembre 1975, Édouard Leclerc rappelle que « les référencements ne sont pas une invitation à acheter mais une décision de groupe prise dans l’intérêt de chacun des centres ». Peu avant, lors d’une assemblée générale de la SC Galec (30 juin 1975), il avait souligné qu’ : « il a été constaté que trop de centres continuent une politique de facilité consistant à travailler avec des grossistes, qu’il faut faire définitivement cesser cette pratique contraire aux principes de la vraie distribution et que le conseil d’administration de cette association sanctionnera dorénavant par le retrait du panonceau ». En 1986 encore, M.-E. Leclerc souligne que « la distorsion est trop grande entre les décisions au niveau national et leur application dans la politique de vente ».
La période 1972-1994 voit une implication croissante des adhérents dans la SC Galec ainsi qu’une diversification de son activité commerciale (qui ne se limite plus au seul référencement) et de ses champs d’action.