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Vous y trouverez un corpus de documents sélectionnés
Monsieur Fleurus – le nom a été modifié afin de respecter l’anonymat - ouvre son 1er centre distributeur de produits alimentaires, à Rennes, autour du 12 mars 1962. Il est radié à peine quatre ans plus tard, en mai 1966. La brièveté de son passage au sein du Mouvement en fait un adhérent « météore », à l’image de nombreux autres des années 1960. Nous disposons de son dossier de radiation, qui bien que peu épais, en dit long et sur ce qu’est un adhérent E. Leclerc, sur les motifs de radiation dans les années 1960 ainsi que sur les difficultés que rencontre la jeune Association des centres distributeurs E. Leclerc (Acdlec) à assoir son autorité et contrôler ses membres.
Voici trois documents issus du dossier de radiation de M. Fleurus :
C'est la pièce 3 qui a conduit l’Acdlec à radier M. Fleurus.
M. Fleurus est grossiste à Dinard quand, à 52 ans, il décide d’ouvrir un centre distributeur à Rennes. Ce premier centre, ouvert en mars 1962, est situé 16 boulevard Colombier : contrairement à la majorité des centres distributeurs alors en activité, il n’est pas situé en centre-ville. En mai 1966, sa superficie serait de 60 m2 (réserves comprises). M. Fleurus y réalise un chiffre d’affaire annuel de 50 millions francs.
En avril 1963, M. Fleurus ouvre un second magasin, à Rennes toujours. Ce magasin est mieux situé et plus vaste que le 1er point de vente : il se trouve en plein centre-ville, 13 rue Saint Michel et atteint 50 m2 auxquels s’ajoutent 80 m2 de réserves en avril 1966. A cette même date, son chiffre d’affaires annuel s’élève à 100 millions de francs, soit le double de celui du magasin du boulevard Colombier. Cela reste cependant assez faible car l’Acdlec exige 150 millions minimum de chiffre d’affaires annuels de ses membres.
On en sait davantage sur ce point de vente car c’est sur lui que porte la fiche de renseignements complétée en mars 1966 figurant dans le dossier de radiation. Ce document, qui est néanmoins à considérer avec précaution car rempli par M. Fleurus lui-même, nous apprend notamment que :
M. Fleurus ambitionne de construire un petit réseau succursaliste. C’est ce qui ressort du compte rendu de la visite de M. Habit à M. Fleurus. L’ouverture, en février 1966, d’un 3ème point de vente, rue Gaudrine à Bruz, dans la banlieue Sud de Rennes, constitue une étape de plus vers la réalisation de ce projet.
M. Fleurus poursuit jusqu’à sa radiation son activité de grossiste et maintient son appartenance à la centrale d’achat Saco. Autrement dit, il ne respecte pas les points 4 et 5 de son engagement. De plus, il choisit de ne pas rejoindre la centrale régionale Scalo récemment créée, ce qui témoigne de sa faible implication dans le Mouvement.
M. Fleurus ouvre donc successivement 3 centres E. Leclerc. Ses magasins, qui atteignent au mieux 50 m2 en 1966, sont restés de petites épiceries alors que l’Acdlec et Édouard Leclerc, décidés à faire du Mouvement un groupement de supermarchés, encouragent dès 1965 les agrandissements. M. Fleurus préfère, comme plusieurs autres adhérents, qui seront eux-aussi radiés, constituer un réseau succursaliste d’épicerie.
L’Association des centres E. Leclerc est créée en 1964. L’une de ses tâches principales est d’attribuer et de retirer le panonceau E. Leclerc. Elle va établir un nouveau contrat d’engagement, dresser la liste des conditions à respecter pour utiliser le panonceau E. Leclerc, puis radier les centres qui ne respectent pas les règles fixées. Entre 1964 et 1969, l’Acdlec va radier pas moins de 108 adhérents. C’est considérable quand on considère qu’en 1965, le Mouvement compte 140 adhérents et qu’en 1969, à la veille de la scission, il en compte autour de 160. Approvisionnement en dehors des centrales régionales E. Leclerc, ouverture d’un point de vente sans passage devant l’Acdlec, poursuite des activités de grossiste, refus de fournir le bilan de son entreprise, prix trop élevés… sont des motifs récurrents de radiation dans la seconde moitié des années 1960.
En ce qui concerne le relevé des prix, on est bien loin, en 1966, de l’efficacité des sociétés indépendantes actuelles ! L’Acdlec n’effectue aucun contrôle de prix systématique et global. En revanche, elle enquête quand elle reçoit une lettre d’un client mécontent. De même, quand un centre pose problème, un adhérent de confiance est envoyé par l’Acdlec effectuer un relevé des prix dans le magasin en question. On le voit ici, l’enquête, qui ne porte que sur une dizaine de produits, est des plus légères…
On le voit, l’Acdlec peine quelque peu à assoir son autorité. Des adhérents ouvrent des points de vente sans son autorisation. L’Acdlec a d’ailleurs des difficultés à établir une liste exhaustive de l’ensemble des centres distributeurs et à obtenir les bilans et des informations sur ceux qu’elle a listés. Enfin, elle ne parvient à imposer ni un approvisionnement direct et ni l’adhésion à l’une des centrales régionales créées. C'est l'arme que constitue la radiation qui l'aide alors, précisément, à assoir son autorité.